« Regardez, un héron cendré prend son envol. »
Le pied a peine posé sur les abords du lagunage de Harnes que votre guide du jour a de quoi vous rappeler qu’ici, un écosystème a fait son nid… 200 espèces de plantes et 76 d’oiseaux sont ainsi recensées dans ce surprenant site aux allures de marais.
Mais paysage, faune et flore ne doivent pas faire oublier que le lagunage a, depuis sa création en 2002 sur l’ancienne fosse 9, des vertus bien plus pratiques. Du genre ancrées dans votre quotidien : ici, à raison du débit de 1500 à 3000 m3 par jour, ce sont en effet des eaux domestiques que l’on traite. Le procédé se veut 100% naturel : dans huit bassins serpentent des eaux provenant de la voisine station d’épuration de Fouquières-lez-Lens. Des plantes, choisies pour leur qualité de filtrage, s’y chargent d’ingérer des substances comme les nitrates et phosphates, fruits de nos produits de lessive.
Parmi ces végétaux bienfaisants tels que les joncs cuivrés, les iris bleutés, les nymphéas les sagittaires, se trouve également, la massette, communément appelée « biloute du curé » par les anciens mineurs. C’était à l’époque où la fosse 9, à cheval sur Harnes et Fouquières, était encore en activité. Le temps a aujourd’hui fait son œuvre, «et la communauté d’agglomération, dans sa compétence assainissement, a décidé de reconvertir la friche en un complément de la station d’épuration de Fouquières.»
A l’issue des travaux entamés en 1999 pour un coût d’1,5 million d’euros, les 7 hectares de bassin étaient fin prêts à peaufiner l’épuration d’une partie des eaux usées des foyers harnésiens et fouquiérois. Un procédé d’autant moins friand en coûts que l’entretien du site se limite à la fauche des végétaux et à l’évacuation des algues et autres lentilles. Autre particularité, la touche résolument écologique des lieux : bassins étayés en argile, gestion différenciée des espaces verts, éoliennes actionnant des pompes. L’objectif est qu’un tiers des eaux rejetées par la station d’épuration de Fouquières, ainsi « assainies », puisse alimenter le bassin final : 1,5 hectare de surface, proche du château d’eau, prévu pour accueillir des activités de loisirs nautiques et, si l’efficacité est optimale, permettre la baignade.
Au final, le site, agrémenté d’un jeu de diguettes, offre un réel attrait de promenade, salué en 2006 par un prix européen Barbara Rosa. Un must en matière d’aménagement paysager. Décerné par le jury international de la 4ème biennale du paysage de Barcelone, présidé par l’architecte suisse Paolo Bürger, ce prix a récompensé une réalisation « esthétique et poétique » ainsi que sa valeur écologique et pédagogique et son rôle dans la mutation du territoire.
Mais voilà, mis à part pour certains écoliers (une dizaine de visites par an), les lieux restent méconnus. «Ce sont surtout des habitués qui viennent promener leur chien». D’autres «visiteurs» restent, eux, bien plus indésirables. Ceux à l’origine des fréquents actes de vandalisme : tirs de carabine sur les panneaux, vols de grilles, dégradation des éoliennes ou encore, passages à motos pour rejoindre le terril voisin.
Il est ces autres contretemps hérités de dame nature. Comme ces sapes minières provoquant des fuites dans les bassins quand ce ne sont pas ces galeries creusées par des rats musqués pour qui le triptyque «eau-nourriture-tranquilité» offert par le lagunage est un terrain plutôt favorable. Mais voilà la preuve qu’ici, la nature a encore ses droits.